De Rahab à Samson, où est la foi ?

jeudi 24 novembre 2022, par Séb

Introduction à la découverte des héros de la foi mentionnés en Hébr. 11.31-34

C’est en héros que l’épitre aux Hébreux décrit les personnages de Rahab à Samson, en passant par Gédéon, Barak et Jephté :

Hébr. 11.31-34 :

« C’est par la foi que Rahab la prostituée ne périt pas avec les non-croyants, parce qu’elle avait accueilli pacifiquement les espions. Et que dirais-je encore ? Car le temps me manquerait si je passais en revue Gédéon, Barak, Samson, Jephté, David, Samuel et les prophètes qui, par la foi, vainquirent des royaumes, exercèrent la justice, obtinrent des promesses, fermèrent la gueule des lions, éteignirent la puissance du feu, échappèrent au tranchant de l’épée, reprirent des forces après avoir été malades, furent vaillant à la guerre et mirent en fuite des armées étrangères. »

Sous l’angle de l’Ancien Testament, le récit prend une autre tonalité, au point qu’il faut aborder le sujet comme à la télévision où des nouvelles violentes sont distillées avec la précaution : « Attention, de Rahab à Samson, les images pourraient choquer ! ».

Cette précaution résulte d’une autre approche, celle de notre regard sur la description donnée de ces héros dans les livres de Josué et des Juges notamment. Le fond de leur histoire est marqué par la dureté de la conquête du pays de Canaan puis de la cohabitation d’Israël avec des peuples qu’il devaient progressivement éliminer. Et pourtant, c’est à des participants actifs à cette dureté que la Bible attribue la position de héros d’une foi en action…

Exemple : Samson (Juges 14.19-20)

« L’Esprit de l’Eternel s’empara de Samson et il descendit à Askalon. Il y tua trente hommes, prit leurs dépouilles et donna les vêtements de rechange à ceux qui avaient expliqué l’énigme. Il était enflammé de colère et remonta à la maison de son père. La femme de Samson fut donnée à son compagnon qui avait été pour lui un ami. »

Si nous voulons être cohérents dans notre approche de la Parole de Dieu, nous ne pouvons passer à côté des interrogations que suscite ce type de texte. Heureusement, Dieu a pris soin de nous laisser des pistes d’explication qui encadrent les livres de Josué et des Juges.

Première explication donnée lors de l’alliance que Dieu fait à Abram :
Gen. 15.13-16 :

« L’Eternel dit à Abram : Sache que tes descendants seront des immigrants dans un pays qui ne sera pas le leur ; ils y seront esclaves, et on les maltraitera pendant quatre cents ans. Mais je jugerai la nation dont ils auront été les esclaves, et ils sortiront ensuite avec de grands biens. Toi, tu mourras en paix, tu seras enseveli après une heureuse vieillesse. A la quatrième génération, ils reviendront ici [en Canaan] ; car, c’est alors seulement que la déchéance morale (ou faute) des Amoréens aura atteint son comble.  »

Dieu n’agit pas en jugement par hasard.

Deuxième explication lorsque Samuel dépose ses fonctions de juge en Israël après avoir établi un roi sur le peuple, Saül :
1 Sam. 12.8-11 :

« Après que Jacob fut venu en Egypte, vos pères appelèrent l’Eternel au secours, et l’Eternel envoya Moïse et Aaron qui firent sortir vos pères d’Egypte et les firent habiter en ce lieu. Mais ils oublièrent l’Eternel, leur Dieu, qui les vendit entre les mains de Sisera, chef de l’armée de Hatsor, entre les mains des Philistins et entre les mains du roi de Moab, qui leur firent la guerre. Ils appelèrent encore l’Eternel au secours et dirent : Nous avons péché, car nous avons abandonné l’Eternel et nous avons servi les Baals et les Astartés ; délivre-nous maintenant de la main de nos ennemis, et nous te servirons. Et l’Eternel envoya Yeroubbaal [Gédéon], puis Bedân, Jephté et Samuel. Il vous délivra de la main de vos ennemis qui vous entouraient, et vous avez pu habiter en sécurité.  »

Israël s’est attaché aux peuples cananéens, à leurs dieux et à leurs pratiques immorales tout en maintenant une apparence d’appartenance à Dieu. Le problème fondamental est la seigneurie de Dieu en Israël ! Ainsi est introduit le « schéma » qui se répète tout au long du livre :

  • « Les Israélites firent le mal aux yeux de l’Eternel… » 3.7 ;12 ; 4.1 ; 6.1 ; 10.6 ; 13.1
  • « L’Eternel les vendit entre les mains de… » 3.8,12 ; 4.2 ; 6.1 ; 10.7 ; 13.1
  • « Les Israélites crièrent à l’Eternel… » 3.9,15 ; 4.3 ; 6.6 ; 10.10
  • « L’Eternel suscita aux Israélites un libérateur… » 3.9,15 ; 4.4 ; 6.7,11 ; 13.5

Le livre des Juges montre donc l’infinie patience de Dieu qui pardonne, intervient, suscite des héros et sauve le peuple. Revêtus de son Esprit (3.10 ; 6.34 ; 11.29 ; 13.25 ; 14.6,19 ;15.14), les héros providentiels remportent alors sur le plan militaire les victoires miraculeuses de la foi et rétablissent pour un temps la situation. Evénements qui reflètent des aspects de la nature même de Dieu : s’il est patient, c’est aussi un Dieu saint qui ne supporte pas le mal. Dans ces récits, Dieu utilise Israël pour juger les peuples du pays, et les peuples du pays pour éprouver la foi des Israélites.

Dans d’autres cas, Dieu se passe d’instruments humains, comme dans les événements du déluge ou de Sodome et Gomorrhe coupables d’une corruption inouïe.

Tout cela est-il un langage réservé à l’AT ? Absolument pas, et la conclusion des chapitres 11 et 12 des Hébreux le démontre : « notre Dieu est un feu dévorant. » (Hébr. 12.29). Ailleurs, dans un discours consacré à l’importance pour les païens de réfléchir à l’histoire du peuple d’Israël, l’apôtre Paul lance aux Romains cette injonction sans ambiguïté   « Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu » (Rom. 11.22).

Dans un même registre, ce passage qui nous met, nous chrétiens, au centre du débat : « Grâces soient rendues à Dieu, qui nous fait toujours triompher en Christ, et qui par nous, répand en tout lieu l’odeur de sa connaissance ! Nous sommes, en effet, pour Dieu le parfum de Christ, parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui périssent : aux uns, une odeur de mort ; aux autres, une odeur de vie, qui mène à la vie. » Paul sent bien la difficulté liée à cette affirmation car il ajoute : « Et qui est suffisant pour ces choses ? Car nous ne sommes pas, comme plusieurs, des falsificateurs de la parole de Dieu, c’est avec sincérité, c’est de la part de Dieu, devant Dieu et en Christ que nous parlons. » (2 Cor. 2.14-17).

Depuis la fin du temps des prophètes et la royauté quelques centaines d’années avant Jésus-Christ, Dieu n’utilise plus Israël comme instrument de jugement. Mais il a envoyé son propre Fils pour prendre sur la terre le jugement de l’humanité entière et désormais nous placer chacun devant un choix de vie ou de mort, de reconnaissance ou de refus du Dieu Saint, reportant l’application d’un jugement définitif aux derniers temps avec cette conclusion : «  Quiconque ne fut pas trouvé dans le livre de vie fut jeté dans l’étang de feu » (Apoc. 20.25).

Pourquoi est-ce que ce langage pourtant très clair de la Parole de Dieu nous choque aujourd’hui alors qu’il faisait partie de la normalité au temps des Juges ?

Les Juges ne doutaient pas de Dieu et de sa sainteté. Poussé par l’Esprit, ils étaient des héros de la foi malgré toutes leurs faiblesses humaines. «  L’homme de l’Antiquité s’approchait de Dieu (ou même des dieux) comme un accusé s’approche de son juge chez l’homme moderne, les rôles sont inversés. C’est lui le juge, et c’est Dieu qui est l’accusé  ». constate C.S. Lewis. L’homme aimerait tellement se sentir non coupable !

Comme chrétiens, « nous avons besoin aujourd’hui de vivre une « route d’Emmaüs » en sens inverse. Les disciples connaissaient Moïse et les prophètes mais avaient de la peine à comprendre en quoi ils pouvaient avoir un rapport avec Jésus le Christ. L’Eglise moderne connaît Jésus le Christ mais est en train de perdre rapidement toute notion de Moïse et des Prophètes. » (Ph. Yancey).

Plus alarmant encore, c’est la négligence croissante envers la reconnaissance de Dieu le Créateur, Dieu le Père, Dieu le Sauveur, Dieu le Souverain de toute l’histoire de l’humanité et de toute communauté humaine, pour mettre un accent parfois unique sur Jésus le Fils, qui entretient des rapports individuels ressentis comme plus intimes. Ou encore pour prioriser le Saint-Esprit dont certains pensent qu’il anime une nouvelle ère depuis le début du XXe siècle.

Bien plus que le peuple d’Israël soumis à rude épreuve pour connaître ce qu’il y avait dans son cœur (Juges 3.4), Jésus le seul Juste, Fils de Dieu, fut soumis à rude épreuve tout au long de sa vie sur la terre, tenté même par Satan. Par la suite, dans une épreuve bien plus terrible, Jésus s’écria sur la croix (citant le Psaume 22) : «  Mon Dieu ! Mon Dieu ! Pourquoi m’as-tu abandonné ? » Il continua à avoir confiance en Dieu malgré l’impression qu’il avait d’avoir été abandonné par lui et prononce ces ultimes mots de confiance au moment de sa mort : «  Père, je remets mon esprit entre tes mains.  » Le Héros des héros, le Sauveur n’a pas perdu confiance en son Dieu et entre dans la mort en vainqueur.

En guise de conclusion, un passage extrêmement encourageant met en relief la patience et la bonté de Dieu (Hébr. 12.22-25, 28-29) :

« Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, des myriades d’anges ; de la réunion et de l’assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux ; de Dieu, juge de tous ; des esprits des justes parvenus à la perfection ;
(tout un monde aujourd’hui invisible, mais d’une incroyable richesse communautaire !)
 de Jésus, médiateur d’une nouvelle alliance ;
(l’ultime message d’un Dieu qui s’engage à sens unique)
et du sang de l’aspersion qui parle mieux que celui d’Abel
(celui d’Abel criait vengeance, mais le sang de Jésus ouvre aux perdus le pardon et la paix éternelle de Dieu).
Prenez garde ! Ne repoussez pas celui qui vous parle. Car si ceux qui repoussait celui qui sur la terre les avertissait n’ont pas échappé au châtiment, à bien plus forte raison ne pourrons-nous y échapper nous-mêmes, si nous nous détournons de celui qui, des cieux, nous avertit
(s’il nous avertit si sérieusement, c’est aussi qu’il donne un temps de réflexion).
… C’est pourquoi, puisque nous recevons un royaume inébranlable, ayons de la reconnaissance, en rendant à Dieu un culte qui lui soit agréable, avec respect et avec crainte
(un acte essentiellement focalisé sur ce que Dieu est, et sur ce qu’Il a fait pour nous).
« Car notre Dieu est aussi un feu dévorant »
(reprise d’un discours de Moïse précédant la conquête du pays de Canaan par Israël en Deut. 4.24). Pour nous, dans la conviction que Christ a subi à notre place le jugement décrit sous la forme d’un feu dévorant, nous pouvons nous approcher de Dieu en toute liberté.

DH 02.07.2011

De Rahab à Samson, où est la foi ?